Astrophysique de laboratoire

L’astrophysique de laboratoire consiste à effectuer des expériences en laboratoire dans des conditions reproduisant au mieux celles régnant dans le milieu interstellaire et les atmosphères circumstellaires et planétaires. L’astrophysique de laboratoire vient en soutien aux observations astronomiques en associant expériences, simulations numériques et théorie. Elle est naturellement liée aux techniques d’observation modernes, allant des télescopes au sol aux missions spatiales, et incluant l’analyse in-situ des objets extraterrestres par les sondes interplanétaires.

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La technique CRESU

La méthode CRESU (Cinétique de Réaction en Ecoulement Supersonique Uniforme) a été inventée par Bertrand Rowe et Jean-Baptiste Marquette [1] dans les années 80. Initialement employée pour l’étude des réactions ion-molécule au Laboratoire d’Aérothermie de Meudon, la technique est entrée dans une nouvelle ère avec la mise au point d’un réacteur CRESU dédié à l’étude des réactions entre espèces neutres au travers d’une collaboration avec l’équipe de Ian W.M. Smith de l’Université de Birmingham [2]. L’écoulement supersonique uniforme généré par la technique CRESU s’apparente à un réacteur sans parois, s’affranchissant ainsi des problèmes de condensation rencontrés dans les dispositifs plus conventionnels comme les cellules cryogéniques.

La forte densité de l’écoulement supersonique uniforme (1016 to 1018 cm–3) conduit à de fréquentes collisions qui assurent une bonne thermalisation du gaz. On peut ainsi définir une température thermodynamique de cet environnement. La rapidité de la détente et le refroidissement associé permet de maintenir les espèces à faible pression de vapeur en phase gazeuse sous condition de fortes sursaturations. La température la plus basse obtenue avec cette méthode est de 6 K [3].

Références:
[1] G. Dupeyrat, J. B. Marquette, B. R. Rowe, Phys. Fluids 28, 1273-1279 (1985).
[2] I. R. Sims, J. L. Queffelec, A. Defrance, C. Rebrion-Rowe, D. Travers, P. Bocherel, B. R. Rowe, I. W. M. Smith, J. Chem. Phys. 100, 4229-4241 (1994).
[3] C. Berteloite, M. Lara, A. Bergeat, S. D. Le Picard, F. Dayou, K. M. Hickson, A. Canosa, C. Naulin, J. M. Launay, I. R. Sims, M. Costes, Phys. Rev. Lett. 105, 4 (2010).
 
Quelques articles de revue:
Experimental studies of gas-phase reactivity in relation to complex organic molecules in star-forming regions, I.R. Cooke & I. R. Sims, ACS Earth and Space Chemistry, 3(7), 1109-1134 (2019).
Uniform supersonic chemical reactors: 30 years of astrochemical history and future challenges, A. Potapov, A. Canosa, E. Jiménez & B. Rowe,  Angewandte Chemie International Edition, 56(30), 8618-8640 (2017).

Cinétique chimique

L’efficacité d’une réaction chimique est décrite par sa constante de vitesse, k. Les modèles des atmosphères planétaires de Saturne ou sa lune Titan, ainsi que d’environnements plus froids tels que les nuages moléculaires denses, nécessitent la connaissance de milliers de constantes de vitesse de réaction. La plupart sont estimés en raison de l’absence de mesures.

La majorité de ces constantes sont actuellement estimées puisqu’aucune mesure n’existe, spécialement à très basse température, et que les calculs ne sont pas suffisamment précis. Notre spécialité est de faire des mesures expérimentales de ces données physiques importantes. Les résultats de nos mesures sont intégrées dans des bases de données, telle KIDA, qui servent aux communautés modélisant le milieu interstellaire et les atmosphères planétaires.

La plupart des réactions procèdent par-dessus une barrière énergétique sur le chemin réactionnel de plus basse énergie, ce qui signifie qu’elles deviennent plus lentes à basse température. Cependant, certaines réactions, notamment celles entre ions et molécules, n’ont pas besoin de passer par-dessus une barrière pour réagir. De telles réactions demeurent rapides même aux très basses températures du milieu interstellaire. Ici à Rennes, nous avons découvert que des classes entières de réactions entre espèces neutres procèdent sur un chemin réactionnel sans barrière et deviennent ainsi plus rapide alors que la température chute. La formation de dimères, la première étape de l’important processus de condensation et de formation de particules, est aussi un processus sans barrière. Enfin, le transfert d’énergie entre partenaires collisionnels demeure également rapide à très basses températures, et il est vital de mesurer son efficacité pour l’interprétation des observations